© Jean-Luc_Bertini

Minh Tran Huy

Née en 1979, Minh Tran Huy est critique littéraire et écrivain.

Elle est l’auteure de quatre romans couverts d’éloges et de prix : La Princesse et le Pêcheur (Actes Sud, 2007, prix Gironde – Nouvelles Écritures, prix du Premier Roman de la ville de Cuneo, Italie), La Double Vie d’Anna Song (Actes Sud, 2009 ; prix Drouot 2010, prix Pelléas 2010), Voyageur malgré lui (Flammarion, 2014), et Les Inconsolés (Actes Sud, 2020 ; Babel n°1820). Avec Un enfant sans histoire, elle dit “je” pour la première fois.

Réalisé en 2010 par Mick Jackson, le biopic inspiré du destin de Temple Grandin – interprétée par Claire Danes –, reçoit sept Emmy Awards et un Golden Globe.



Un enfant sans histoire

Romancière, fervente adepte de la fiction, Minh Tran Huy n’avait sûrement pas imaginé laisser un jour la réalité envahir son écriture. Elle n’avait pas non plus envisagé que la naissance de Paul, son magnifique petit garçon, scellerait sa rencontre intime avec le handicap et ferait d’elle une experte involontaire des troubles du spectre de l’autisme et de leur prise en charge. Un enfant sans histoire est la tentative bouleversante de capturer et de partager cette expérience sismique par la littérature.

“J’ai écrit Un enfant sans histoire faute de mieux. D’abord, je n’ai pas voulu l’écrire, je ne voulais rien écrire du tout, je voulais seulement sauver mon petit garçon d’une vie d’incompréhension, de solitude et de violence. D’un monde qui n’était pas fait pour lui, sans pitié vis-à-vis des vulnérables ; notre société hait les blessés, les différents, les inadaptés. J’ai mis toute mon énergie à sauver mon fils et j’ai échoué. J’ai compris que Paul ne parlerait jamais et qu’il lui faudrait passer toute son existence en milieu protégé, à supposer que nous parvenions à lui trouver une place dans une institution convenable – le paysage désertique qu’offre la France en la matière donnant envie de se jeter du dernier étage d’un immeuble avec son enfant.

Ce livre est né d’une vie fracassée. Je l’ai écrit pour donner une forme au chagrin sans nom qui nous a dévastés, mon mari et moi, et une histoire à un enfant qui semblait condamné, comme 350 000 de ses semblables en France, à n’en avoir aucune. Un petit garçon doublement réduit au silence tant il est difficile de décrire ce qu’est la vie de Paul, la vie avec Paul, en des temps où tant de fictions semblent formatées pour Netflix. J’ai mis plusieurs années à trouver comment raconter mon fils et là encore, j’ai longtemps cru que je n’y parviendrais pas. Puis j’ai compris que le meilleur moyen de raconter Paul, c’était de raconter ce qu’il n’était pas ou plutôt celle qu’il n’était pas : Temple Grandin, autiste à la trajectoire hollywoodienne qui a réussi partout où il a échoué, a été ma locomotive et mon sherpa. C’est en déroulant son incroyable parcours que par contrepoint et par contraste, j’ai pu dire Paul, mon combat, mon amour et ma peine. Que j’ai abouti, faute de mieux, à ce livre qu’il ne lira jamais.’’



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